Quelques Documents

 

Correspondances :

L'infirmier Achille Fidèle (44ème RIT, 11ème compagnie) à Auguste Denni (dépôts des convalescents)
Le 1er avril 1915

Mon cher Auguste,

J'ai reçu ton aimable carte du 26 et suis heureux de te savoir toujours en bonne santé. La mienne est de même mais je t'assure qu'il faut avoir un tempérament de chien pour supporter tout cela par ici. Passer des nuits dans les bois, être toujours sous la crainte des obus, ce n'est pas toujours gai. C'est que nous sommes aux avants-postes. Ah ! je t'assure que si j'ai le bonheur de m'en tirer, le jour du retour sera le plus beau de ma vie - mais l'aurai-je - je l'espère car tout le monde n'y reste pas. Je te souhaite de rester par-là encore longtemps car il devra encore se passer de bien tristes journées d'ici peu de temps. Je ne puis plus voir Auguste, nous nous en éloignons. En attendant de tes bonnes nouvelles, je te serre bien fraternellement la main.

Mon grand ami H. Pérard a été tué aux Éparges après avoir resté jusqu'au 1er mars à son dépôt à Vitré. C'est triste.

 

Témoignages :

1 - Léon F.

Un énorme percutant tombe sur l'abri et le secoue terriblement. Je perçois deux cris : Mon dieu ! Qui les a poussés ? Puis c'est le grand silence. Je ne suis pas mort, je ne suis pas aveugle, je remue les bras, mais les jambes ? La droite surtout me fait mal. Je suis enseveli jusqu'à mi-corps, impossible de bouger et, par conséquent, de me dégager.

- Mon commandant ! où êtes-vous ?

Pas de réponse. Je fais l'appel, personne ne dit mot.

J'essaye de me tourner pour voir ; je suis tombé sur le commandant. Je l'appelle encore. De la paille qui vient de s'enflammer me le fait voir. Il est tout noir ! Peut-être n'est il qu'évanoui ? Je lui tire la moustache, je lui lève une paupière... Il est mort ! Une botte de longues fusées éclairantes est tombée sur nous ; l'une des fusées s'enflamme, part et vient frapper le commandant en pleine figure, il ne bouge pas ! Une deuxième et troisième... J'arrive à casser une tige de fusée et je puis ainsi empêcher que le paquet entier ne flambe. Mais tout est en feu autour de moi. Les cartouches des morts éclatent ; les flammes me lèchent la figure.

Mourir ainsi, brûlé tout vif, est trop affreux... Mieux vaut en finir tout de suite. J'envisage froidement ce qu'il me reste à faire pour abréger une fin aussi tragique. Je déboucle l'étui du commandant, je sors son revolver... Ah ! non pas çà ! Et les deux petits là-bas et la maman ?... Je replace l'arme et je crie, j'appelle comme l'homme à la mer. J'entends des murmures de voix, au dehors, on entre.
- Qui appelle ?
- Moi ! et j'agite les bras.

Bouton et Thomas me dégagent et, me traînant par les bras, me placent assis contre l'angle formé par deux boyaux . A peine suis-je sorti que tout le PC est en flammes, les caisses de cartouches et de grenades explosent, il est impossible à ces deux braves de rentrer dans le poste.

A partir de cet instant, j'ai des trous dans la mémoire.


2 - Léon F.

La porte du P.C. s'ouvre violemment, un poilu couvert de sang nous tombe dans les bras. Nous le faisons asseoir. Le commandant lui donne à avaler une goutte de rhum. Il revient à lui et prend dans sa cartouchière un bout de papier sur lequel le commandant du G.G.I. a griffonné en hâte quelques renseignements. Les petits postes ont été attaqués; plusieurs sont anéantis; la grand'garde se replie sur les ouvrages en R; Il demande un ordre.
Le coureur paraît incapable de porter cet ordre. J'appelle un de nos agents de liaison.
" - Non ! répond l'homme - un gars du Nord - c'est mi qui faut que je m'en revô ! " . Il prend le papier et s'enfuit. Est-il arrivé ? Encore un héros dont on ne connaîtra jamais le nom, un gamin de vingt ans dont la joue droite avait été enlevé par un éclat d'obus et qui n'a pas admis qu'un autre que lui pût accomplir une mission de confiance dont l'avait investi son chef.

 

Anecdote - Histoire d'un "mort-vivant" :

L'auteur s'appelle LEMAIRE Ernest, ses notes commencent en Août 1914 :

"Le samedi 1er août 1914, à 6h du matin, une auto militaire s'arrête près de la demeure de M. FOURRIER, Maire de la commune.
Plus de doute, quelque chose de grave se passe... des ordres individuels d'appel ont été déposés et vont être distribués.
Une dizaine de ces cartes bien connues, parmi lesquelles figurent celle qui me concerne, ordre m'est donné de me rendre sans retard au 44ème Régiment Territorial d'Infanterie, caserne Miribel, pour accomplir une "période illimitée d'exercices militaires".

Fin septembre 1915, il est réformé n°2, à la suite de maladie, et rentre chez lui.

" Je reprends mes fonctions... Je ne peux passer sous silence le fait suivant dû à une erreur, commise dans les bureaux, erreur ayant pour origine dans l'homonymie de mon nom patronymique très répandu en France.
Environ 15 jours après ma rentrée au village, M. le maire, FOURRIER Eugène, reçut un avis de décès me concernant, et je me rappellerai toujours l'embarras dans lequel se trouvait M. FOURRIER lorsqu'il se disposait, hésitant beaucoup, afin de me ménager les émotions compréhensibles en un tel cas, à me donner connaissance de l'avis fatal annonçant ma mort à ma famille !
Mais l'émotion fut vite dissipée et fit place à une autre toute opposée, car il n'est pas agréable pour un défunt, de pouvoir lire à haute voix son acte de décès!
J'étais heureux d'être "un mort-vivant".
Je répondis séance tenante au Ministère de la Guerre que le soldat LEMAIRE Ernest Onésime de la classe 1893, du 44ème Régiment Territorial d'Infanterie, domicilié à Vadelaincourt (Meuse) était "bien vivant" et exerçait les fonctions de secrétaire de mairie à Vadelaincourt".

 

Extraits du Journal des Marches et des Opérations (J.M.O) :

5 octobre 1914
Le Sergent MANSUY est blessé à la cuisse. Transporté pendant quelques pas par ses hommes, il les prie lui-même de le laisser sur place pour aller plus rapidement chercher des renforts à Mogéville. La patrouille ayant atteint Mogéville, en revient renforcée par les soins du lieutenant VALET du 164e. Un soldat du 44e, LANCHANTIN, de la 8ème, se joint volontairement à la patrouille en s'écriant : "c'est un sergent du 44e, je veux aller le chercher". La patrouille trouve le Sergent MANSUY mort, il a été achevé par les Allemands qui lui ont, à bout portant, tiré des coups de fusil dans les yeux. L'ennemi enveloppant de rafales la patrouille, le soldat LANCHANTIN est frappé d'une balle à la tête (inscrit tué).

 

8 Novembre 1914
Libellé de Médaille Militaire MAGINOT
"Commandant d'un groupement d'éclaireurs volontaires, a dirigé plus de cinquante patrouilles, fournissant d'un façon constante au milieu des plus grands dangers les renseignements les plus précieux sur la situation ennemie sur le front Nord-Est de la Place. Le 6 novembre, grâce à sa connaissance du parfaite du terrain, a guidé, au milieu d'une brume épaisse, les bataillons chargés de l'enlèvement de Maucourt, du bois de Maucourt, de Mogéville et a été pour beaucoup dans le succès de cette opération de surprise qui ne nous a coûté que trois blessés. Sous-officier remarquable par son conduite personnelle et l'ascendant qu'il a su conquérir sur ses hommes".

 

3 janvier 1915
Attaque convergente d'un poste ennemi vers Fromezey ; nous ramenons dix prisonniers, parmi eux deux sous-officiers dont un très grièvement blessé ; la patrouille victorieuse n'a pas un égratignure. L'esprit qui anime ces volontaires est caractérisé par le cas du Soldat BOURRU de la 7ème Compagnie. Grièvement blessé le 2 novembre 1914 à l'entrée du village de Maucourt, ce brave a le courage de gagner un repli de terrain en s'écriant : "Je ne veux pas donner aux Allemands la satisfaction de voir qu'ils ont descendu un homme de la patrouille".

 

27 Avril 1915
Le Général Commandant le 1er secteur remet à l'Adjudant PERCEVAL et au Sergent BOURY la Médaille Militaire ... Après avoir salué les morts du régiment, il complimente les patrouilleurs volontaires qui ont "inspiré à l'ennemi la peur du 44e"

 

Note - Ordre - Lettre de félicitations

15 Juillet 1915
Le Général Gouverneur a, en date du 9, adressé au Général Commandant le 1er secteur une note relative aux travaux défensifs effectués aux avant-postes par les hommes du 44e Territorial. On y lit notamment :
"Au cours de l'inspection qu'il a faite, le 7 juillet, des positions de Braux, Hautes-Charrières, Haraigne, le Gouverneur a été heureux de constater les efforts accomplis par le commandement et par les troupes, en vue de l'organisation de ces positions et de leur mise en état de défense. Le bois des Hautes-Charrières, en particulier, constitue déjà, grâce aux dispositions prises, un point d'appui sérieux, capable d'une résistance prolongée ; lorsque les travaux projetés ou en cours auront été terminés, les Hautes-Charrières pourront être considérés comme le type de ce que doit être un bois organisé, dont la garnison, non seulement se trouve à l'abri d'un coup de main, mais est capable de tenir en échec une attaque en force de l'ennemi, grâce à la solidité des retranchements, à la multiplicité des défenses accessoires, à l'emploi méthodique des flanquements et à l'existence de cloisonnements de lignes successives de défenses, de places d'armes et d'un réduit ...".

 

23 Février 1916 - Ordre
"Le Général LACOTTE, Commandant la 28e Brigade, a chargé le Colonel Commandant la 212e Brigade d'adresser aux officiers, sous-officiers, caporaux et soldats du 44e Territorial ses plus vives félicitations et son témoignage de reconnaissance pour la façon digne de tous éloges dont ils ont supporté depuis 48 heures le bombardement le plus intense, en conservant malgré tout un moral remarquable."
"Le Général est disposé à récompenser largement tous les militaires qui lui seront signalés par les Chefs de Corps en raison de leur attitude et de leur conduite
".

 

4 Mars 1916 - Notification au 44e R.I.T des hautes félicitations adressées aux unités dont il vient de faire partie pour
la défense de Verdun (14e D.I)

Lecture faite dans la journée à toutes les unités de l'Ordre n°904 du 20e Corps d'Armée :
"Le Président de la République et le Général en Chef sont venus personnellement exprimer au 20e C.A leur haute satisfaction. Ils l'ont remercié d'avoir, grâce à son esprit éprouvé de sacrifice, complètement rétabli une situation périlleuse.
Le Général Commandant le 20e C.A est fier de pouvoir transmettre ces félicitations aux Régiments du C.A ainsi qu'à ceux des 2e et 14e Divisions qui lui ont donné sans compter leur concours si précieux.
Quand on sait faire tout son devoir, on obtient toujours la récompense du succès
".

 

30 Septembre 1916 - Note de la 130e D.I
Le 1er Bataillon du 44e Territorial avait reçu le 15 septembre 1916 de M. le Général TOULORGE, Commandant la 130e D.I, la lettre suivante :
"En quittant le secteur, le Général Commandant la 130e Division est heureux de pouvoir exprimer sa satisfaction au Bataillon du 44e Territorial placé sous ses ordres, pour le zèle et le dévouement dont il a fait preuve dans les différents missions qui lui ont été confiées. Qu'ils aient contribué à la défense des tranchées de 1er ligne au prix de pertes quelquefois sérieuses ou qu'ils aient été chargés de travaux plus en arrière, les Territoriaux du 44e ont toujours su garder un merveilleux entrain."
"Au Commandant BAUER, aux officiers et aux soldats du Bataillon du 44e Territorial, le Général Commandant la Division adresse ses sincères remerciements".

 

5 Mars 1917 - Le Lieutenant-Colonel reçoit du Général MANGIN, Commandant la VIE Armée, la lettre suivante :
"Le 294e R.I et le 44e Rég. Territorial employés aux travaux d'organisation de la zone de l'armée ont apporté dans l'accomplissement de la tâche qui leur était confiée un zèle et un dévouement qui viennent d'être signalés au Général Commandant la VIe Armée.
Les cadres et les travailleurs de ces deux régiments ont compris que dans période actuelle, la nécessité de pousser activement les travaux exigeait de tous un maximum d'efforts".

 

19 Juillet 1917 - Le chef de Bataillon LE GAVRIAU, chef du Service Routier de la VIe Armée, adresse au Lieutenant-Colonel du 44e R.I.T la lettre suivante :
"Au moment où les unités du 44e R.I.T quittent le service des routes après avoir participé à ces travaux pendant une longue période, j'ai l'honneur de leur adresser un témoignage de satisfaction pour le travail exécuté par les troupes dans des conditions parfois difficiles et périlleuses et pour la collaboration du commandement et des Officiers avec le cadre technique du Service Routier".

 

12 Novembre 1917 - Les félicitations suivantes sont adressées au 1er Bataillon du 44e R.I.T par le Service des Chemins de Fer :
"D.T.M.A (Direction des Transports Militaires de l'Armée) Groupe B du S.C.F n° 4 772, 8 novembre 1917 ;
Le Chef de Bataillon GERARD, Commandant le groupe B de Sapeurs de chemins de Fer, Directeur des travaux de voie ferrée normale, est heureux d'adresser aux officiers et hommes de troupe du 1er Bataillon, 44e R.I.T ses plus vives félicitations pour la part active qu'ils ont prise dans le travaux de construction de la ligne Appilly - Coucy-le-Château depuis le 25 septembre 1917 jusqu'à ce jour.
Leur active collaboration et leur dévouement remarqués dès les premiers jours par les Officiers de S.C.F sous la direction technique desquels ils ont travaillé, ont contribué à assurer dans un délai très court l'achèvement de cette voie ferrée dont l'établissement rapide présentait un intérêt tout particulier dans la période en cours
".

 

19 Novembre 1917 - Le Lieutenant-Colonel a reçu les deux lettres suivantes :
• Spéciale au 1er Bataillon : 130e Division (n°6 449), 12 novembre 1917
"La dissolution de la 130e Division, prononcée par décision du Général Commandant en Chef, a pour conséquence le départ du 1er Bataillon du 44e R.I.T qui était sous mes ordres. Les circonstances ont fait qu'à peine m'avait-il rejoint, ce Bataillon a été détaché dans un secteur voisin pour être mis à la disposition du Service des Chemins de Fer.
Néanmoins ce que j'ai vu pendant un espace de temps trop court me fait davantage regretter son départ : belle attitude, bonne tenue, discipline, ardeur au travail, dévouement au devoir.
J'ai été heureux de pouvoir appuyer les propositions faites pour l'avancement au grade, la Légion d'Honneur et la Médaille Militaire.
Le Commandant BAUER mérite des éloges pour le commandement de son Bataillon et il me serait agréable qu'il lui en soit tenu compte
".

• Concernant l'ensemble du Corps : 3e C.A - Etat-Major n°124/3. Ordre du 16 novembre 1917.
Le Général LEBRUN, Commandant le 3e C.A au Lieutenant-Colonel Commandant le 44e R.I.T :
"Au moment où le 44e R.I.T quitte le C.A, je tiens à vous exprimer personnellement et à vous prier d'exprimer à vos officiers et soldats tous mes regrets de ce départ.
Le 44e R.I.T s'est toujours signalé par son bonne tenue, sa discipline, par la conscience avec laquelle il exécutait les travaux un peu ingrats, mais si utiles, tant en première ligne que dans les cantonnements. Il était pour les autres troupes plus jeunes du 3e C.A du meilleur exemple, et y laisse souvenir excellent et durable
".

 

Extrait d'un carnet de route d'un officier Allemand

9 Juin 1915
Fait prisonnier au Bois-le-Prêtre (bulletin de renseignements n°272 du 7 juin. Front de la 1ère Armée)
"L'objectif assigné à nos patrouilles était en général le bois de la Haute-Charrière, tenu presque toujours par des postes ennemis. Ces postes se retiraient toujours devant nous, avertissant les leurs en sifflant, soit en frappant sur les arbres. De cette façon, les grand'gardes étaient averties et nos patrouilles qui, au début, ne trouvaient rien devant elles, continuaient à avancer sans précautions jusqu'au moment où surprises, elles tombaient sous le feu des FRANCAIS. C'est ainsi que ce bois nous coûta au moins 30 hommes tués, blessés ou disparus. Les FRANCAIS devinrent tellement experts dans cette "chasse" qu'on ne donna plus l'ordre de pénétrer dans ce BOIS".

A la même date du 9 Juin 1915, le J.M.O ajoute : ... "le bois des Hautes-Charrières, déjà qualifié de "BOIS DE MALHEUR" par un soldat allemand fait prisonnier, le 9 mars, dans le bois par ceux de nos patrouilles".

 


Si vous avez des informations complémentaires à me fournir ou des suggestions, n'hésitez pas à me contacter
courriel : Sylvie Lambey